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Essais

La Quête de l'Anneau (2/4) : Pourquoi Frodo est-il le Porteur de l'Anneau ?

Par Eleglin (Y.H.)
mise à jour : 04.08.2008

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Quand Tolkien commença à travailler sur le Seigneur des Anneaux, sa première intention était de donner une suite immédiate à Bilbo Le Hobbit. Mais après avoir défini l'enjeu de la Quête, il comprit assez rapidement que le facétieux Bilbo Sacquet ne pouvait pas accomplir celle-ci. Il fallait quelqu'un de plus sérieux, de plus réservé ; notre farceur aurait pu gâcher la tension. Après un discours de fête d'anniversaire, un tissu de plaisanterie qui était nécessaire pour présenter le monde joyeux des Hobbits, il décida de faire disparaître notre farceur.

Tolkien fit alors appel à un artifice largement utilisé dans les contes et légendes depuis la plus haute antiquité. Si la coutume voulait que la tutelle revienne à l'oncle en cas de décès prématuré du père, cela avait servi de trames à de nombreuses légendes qui faisaient des neveux des héros qui pouvaient égaler, voire surpasser les exploits de leurs tuteurs. On prendra l'exemple de Gauvain, le neveu du Roi Arthur ou de Roland, le neveu de Charlemagne. Inspiré par ces récits qu'il affectionnait tant, Tolkien créa le personnage de Frodo, cousin investi du statut de neveu et héritier de Bilbo Sacquet.


Il y a de nombreux héros dans l'œuvre de Tolkien : certains sont sages et puissants (Galadriel, Gandalf...), d'autres sont intrépides, forts et charismatiques (Aragorn...) et enfin les derniers débordent d'une énergie joyeuse (Sam, Merry...) Frodo est loin d'avoir toutes ces qualités. c'est plutôt un rat de bibliothèque qui préférerait que les problème.s qui se dressent devant lui se résolvent d'eux-mêmes.

Bref, il semble loin d'avoir la carrure d'un héros traditionnel et pourtant, c'est à lui que revient la charge de détruire l'Anneau. C'est assez atypique.

Aragorn a été endurci par les épreuves, il a vu les catastrophes que le pouvoir pouvait provoquer. Et il a eu la force de refuser l'Anneau. Et Sam ? Sam semble insensible aux charmes de l'Anneau. Il aura la force de rendre l'Anneau de son plein gré. Il a une énergie débordante. Frodo semble plus timide, plus introverti. Il n'a pas non plus l'intrépidité insouciante qui était propre à Bilbo, même si elle était mêlée à une peur naïve. Frodo est plus un rat de bibliothèque. Pourquoi avoir créé ce personnage un peu naïf, candide et "faible"? Pourquoi ne pas avoir confié l'Anneau à quelqu'un de plus courageux ?

Frodo a été créé pour que les lecteurs puissent plus facilement s'identifier à lui. Certes, Aragorn aurait pu jouer le rôle du porteur mais nous n'aurions pas retrouvé cette diversité de caractère qui fait que chacun peut s'identifier à un personnage. Il faudra revenir à la définition du Monomythe par Campbell et aussi à celle du héros. Pour faciliter l'identification, il est essentiel que celui qui subit cette épreuve soit un être normal, avec ses faiblesses et ses défauts.

Tolkien a voulu faire passer un message assez fort à travers le rôle de Frodo : Il a voulu nous apprendre que les plus forts et les plus braves ne sont pas tout le temps aussi invincibles que l'on ne le croit. Même les plus sages ne connaissent toutes les voies. Finalement, c'est son cœur qui poussera Gandalf à faire de Frodo le Porteur de l'Anneau. Frodo est un hobbit et il a cette candeur qui peut lui permettre de résister plus longtemps qu'un autre aux attraits malfiques de l'Anneau. De plus, au milieu de tous ses plans machiavéliques, Sauron ne pourra jamais s'imaginer qu'on ait eu la folie de confier cet Anneau de Puissance à un être aussi petit et aussi fragile.

Il n'y a jamais eu d'espoir dans l'accomplissement de cette Quête. Dès le début, les risques sont si grands qu'on préssent que la fin ne pourra pas être totalement heureuse. Bien sûr, il doit y avoir de grandes victoires, mais il y aura aussi de grandes défaites. Aucun de ceux qui survivront à cette aventure n'en ressortira indemne ; ils en sortiront changés à jamais.

Frodo à été choisi comme porteur pour ses traits de caractères qui semblent à première vue être des signes de faiblesse : parfois la faiblesse est une force ! C'est l'atout le plus fort pour contrer Sauron parce que c'est au-delà de ce que tout ce qu'il peut concevoir et imaginer, pas plus qu'il ne peut concevoir l'idée de détruire l'Anneau. Sauron, si sage, si puissant, ne viendra jamais imaginer que telle folie fasse partie des desseins de ses ennemis. Au fond, il n'y a jamais eu aucun espoir, sauf peut-être un espoir de fous.

Revenons à Aragorn. Aragorn est le héros parfait à l'image de nombreuses figures mythiques. Comme Moïse ou Arthur, il ne doit rien révéler de son ascendance jusqu'&àgrave; l'heure de la révélation. Son épée brisée rappelle le héros Sigurdr. Comme Charlemagne, il peut guérir les blessures à l'aide d'une plante spéciale. Mais ce n'est pas le héros que chosit Tolkien pour accomplir la Mission. Aragorn est trop parfait justement ; de plus, sa quête personnelle, même si elle est liée au devenir de l'Anneau, est indépendante de celle de Frodo.

« Rien n'émeut autant mon cœur au delà des passions et des chagrins qui agitent le monde que d'assister à la métamorphose du vilain petit canard en Frodo. » (Lettres)

Cette transformation fascinera tant Tolkien qu'il l'utilisera aussi avec Sam, Merry et Pippin. Aragorn est un puissant et sa grandeur, il la tient de sa naissance. Frodo a gagné sa noblesse par les circonstances. C'était d'abord un être tout à fait normal, puis c'est devenu un héros parce qu'il a prouvé sa valeur.

« C'est l'heure de ceux de la Comté, où ils se lèveront pour ébranler les Tours et les conseils des Grands. » ( La Communauté de l'Anneau )

L'Histoire n'est pas toujours le fait des héros et des méchants dont on retiendra les noms. Ainsi, on peut voir Frodo comme un résistant ou un soldat inconnu tombé sur le champ de bataille. Ne serait-ce donc pas une façon, en choisissant Frodo pour cette quête, de rendre hommage à tous ces gens qui ont agi dans l'ombre pour sauver leur monde ?

Article inspiré par Les Mondes Magiques du Seigneur des Anneaux de David Colbert.

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Frodo et Boromir © Anke Eismann

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