Les Archives de Gondor » Adaptations & Inspirations » Fan Art -> Lames et Larmes – Gorpatch (P.M.)
Fan Art

Les Mémoires de Gorpatch (2) > Lames et Larmes

Sélectionnée en février 2004, cette nouvelle développe un épisode figurant dans Différente ! Elle a l'originalité de mêler deux trames narratives qui évoluent de façon parallàles et se recoupent de manière très ingénieuse. Gorpatch se remémore des évènements douloureux ( l'attaque de Diligath et la mort de ses compagnons ) et affronte ses souvenirs. Une narration très matûre qui manie les flashback avec brio. Un vrai joyau !

par Gorpatch (P.M.)

 

En cette année-là, nous étions au sortir d'un rude hiver et la bonne chère manquait cruellement à tous. Plus que jamais, les bonnes gens avaient besoin de distraction et, bien que maint d'entre eux voyaient avec méfiance notre arrivée dans leur village, on pouvait voir leur regard briller lorsque nous commençâmes à monter la scène. Les badauds affluaient alors et la surexcitation chez les enfants était à son comble.
Pour ne point éveiller d'avantage la méfiance, j'avais en permanence sur le dos une grande cape à capuchon que je portais bas sur le visage.
Et c'est ainsi que, au crépuscule d'une rude journée de labeur et malgré leur fatigue, les spectateurs était nombreux, attentifs aux paroles du narrateur.

Narrateur — Ecoute, ce soir, village de Diligath ! Ecoute l'histoire que nous allons te conter ! Vois, peuple de Diligath, nous allons faire revivre pour toi le sombre destin de l'homme à la noire épée ! Voici la légende de Tùrin Turambar ! »

Dans le rôle du narrateur, voici Harast le poète !

Harast le poète était notre chef et il dirigeait sa troupe comme un père sa famille.
« Vois-tu, Gorpatch, cette histoire se déroula voilà bien longtemps mais l'homme de modeste condition de notre temps n'en garde que peu de traces dans sa mémoire. Seul le peuple des elfes et les seigneurs parmi les hommes gardent vivace la souvenance de ces hauts fait du temps jadis. »
— « Es-tu un seigneur, Maître Harast ? »
— « Non point, jeune amie ! »
— « Mais je crois, moi, si était un seigneur celui qui cherche à élever son âme par le savoir et l'amour, alors, assurément, tu en serais un ! »
— « Il n'est pas grand savoir que de narrer à la manière que nous le faisons, ces hauts faits du passé, mais je les aime de tout mon cœur et ma joie est grande d'en faire revivre le souvenir. Je te remercie de tes paroles, jeune amie et tu as toi-même grande faculté d'apprendre »
Et Harast souriait et il était heureux.


Entre en scène un jeune garçon qui parcourt celle-ci de long en large :

Narrateur — La main de l'Ennemi lui avait ravi son père lors d'une légendaire bataille où nombre d'êtres de valeur tombèrent en la sombre plaine et innombrables furent les larmes versées sur tant de morts ! Et la mère de l'enfant le contraint a quitter le lieu de sa naissance, tombé aux mains d'hommes vils alors qu'il devait en être le seigneur.
Et l'enfant partit chercher asile en un royaume secret et se lamentait de n'en point trouver la porte cachée.

L'enfant s'assit à même les planches et feint de pleurer et ses pleurs semblent si réels que l'on peut voir quelques mères resserrer contre elles leur enfant.

Dans le rôle de Tùrin enfant, voici Barast, fils de Harast qui entre tout juste dans sa douzième année.

Hors de la scène retentit l'appel d'un cor et le jeune Barast relève la tête, plein d'espoir.
Apparaît alors un elfe splendide. C'est, en vérité,une femme grimée en archer elfe, car il s'agit de celui que l'on nomme l'Arc de Fer, et la grâce naturelle de la belle rend hommage à la légendaire beauté elfique.

Dans le rôle de Beleg Cùthalion, voici Mahana la belle.
Beleg — Que cherches-tu, fils des hommes ?
Tùrin — Ma mère m'envoie en un royaume si bien caché que je ne puis le trouver !
Beleg — Qu'attends-tu de son seigneur ?
Tùrin — Qu'il fasse de moi un grand chevalier et qu'ainsi je combatte le mal et venge mon père.
Beleg — Il te faudra grandir mais tu as déjà grande valeur et je te prends en affection

Mahana pose noblement la main sur l'épaule de Barast :
Beleg — Je te serai à jamais fidèle et protègerai tes pas où qu'ils te mèneront et où que cela me mènera moi-même.

Entre en scène un homme vêtu d'une somptueuse armure, en réalité du cuir bouilli peint. Dans le rôle de Tùrin adulte, voici Athaden le talentueux.
Et voici qu'apparaît aussi Brothen l'ancien, père d'Athaden et il est le seigneur et est vêtu d'un habit qui, bien qu'un peu râpé, lui confère un air noble.
Narrateur — Et voilà qu'en ce temps, Tùrin est devenu un homme grand et fier.

Et le seigneur lui montre le Heaume du Dragon et dit :
Le seigneur — Voici, fils, car je t'aime comme un fils, voici ce qui te reviens de droit et je le garderai pour toi.

Le Heaume de Hador ! Il était fait d'acier ouvragé d'or gravé aux runes de la victoire et était ainsi forgé que nul épée ne restait intacte à son contact et le trait des flèches ennemies en était dévié. Ce devait être une merveille et il était orné en son sommet d'un cimier à l'image du terrible Glaurung, le dragon du mal.
Il avait été fabriqué par le plus grand des forgerons du peuples des nains et son nom était Telchar.
Telchar ne transmettait pas facilement son art et ses secrets : seuls quelques rares élus eurent ce privilàge parmi les plus brillants de son peuple.
Quelle force l'avait poussé, lui qui gardait si jalousement ses plus précieux secrets, à prendre pour élève un jeune elfe ?
Etait-ce la force de persuasion de ce dernier ? Où alors était-ce parce que celui-ci faisait déjà montre d'une excellente aptitude ?
Ainsi je me pose ces questions pour moi-même et sur ce qui décida Maglam è, à son tour, choisir un jour quelqu'un comme moi.
Alliant le savoir des nains à celui des elfes, Maglam devint un des plus habiles et finit un jour par dépasser le Maître mais il se garda de s'en venter tant sa modestie était déjà grande et tant il était peut attaché aux valeurs matérielles.


Chant :

« Du nord vinrent les sombres nuages
Et Tùrin eut peine en son cœur
Car de son pays plus de messages
De Morwen la forte et Niennor sa sœur

Redoutant un funeste destin
Voulu combattre l'ennemi sans nom
La maille au corps et l'épée à la main
Guerroya au Septentrion

Ayant atteint jeunesse et force
Harassé par 3 années de combat
Vint au palais prendre repos
Manteau usé et tête en broussaille

Et le jaloux lui fait affront
Ce qui le met en noire colère
Il jette sa coupe, l'atteint au front
Et tire l'épée en salle du palais

Sifflent et fusent les menacent
Et le sournois attend le preux
Lors le vaillant lui fait face
Et de frayeur fuit le gueux.

Mais au ravin le misérable
Mû par déraison et lâcheté
Tente un saut par trop peu large
Et se fracasse sur les rochers

Besogne d'orc dans les bois
Pour paroles d'orques en le palais
Mais il faut à présent par le Roi
Etre jugé pour ce méfait.

Mais Tùrin n'implora pas
Car de cette mort il ne voulait
Bien que son cœur ne la pleura :
Une ombre sur lui planait

C'est ainsi qu'il s'en est allé
Laissant tous ses biens derrière lui
N'emportant que son épée
Sa maille et son vieux manteau gris. »


Voici qu'une fillette pénètre sur scène, grimée et déguisée en nain. Athaden se rue sur elle en brandissant son épée, bien imitée, ma foi, mais faites de simple bois doux.
Dans le public, on entends de grand « Hoo ! » et de grand « Haan ! »

Dans le rôle de Mîm, le nain, voici la douce petite Nihana.
Tùrin — Montre moi le chemin de ton logis, mes hommes et moi avons grand faim et grand froid !

Sur scène est aussi Brothen, et il porte une sombre tunique de brigand car il figure, cette fois, les hommes de Túrin.
Le rôle de Barast étant terminé, c'est à lui qu'il incombe, maintenant de s'occuper de dérouler les décors peints sur de grandes toiles. Celui qu'il vient de dérouler figure une grotte sombre.

Et voici que reparaît Beleg et il porte le heaume du dragon sous le bras
Tùrin — Beleg, mon ami ! Quel joie de te revoir, mais dis-moi : comment as-tu pu me retrouver ? Et que viens-tu faire ici ?
Beleg — Reviens auprès de notre seigneur car tu as son pardon.
Tùrin — Je fus offensé et c'est à moi d'accorder mon pardon car je ne suis plus un enfant. Je veux tenter ma libre chance et commander mes propres hommes ! Me suivras-tu, ami ?
Beleg — Je ne sais car j'aime mon seigneur et je t'aime, ami !

Et Ainsi, Beleg choisit-il de rester et beaucoup qui erraient sans but et sans chef vinrent à eux car grande était la renommée du Heaume et de l'Arc.

— « Cette histoire, Gorpatch, que nous contons telle une fable simplifiée pour les simples gens de peu de biens est en vérité un glorieux passé.
« Elle se nomme le Narn I hîn Hùrin et il te faut la connaître dans toute sa teneur et sa force.
Vois-tu, ma famille ne fut pas toujours faites de mendiants parcourant les grand chemins. Mon grand-père fut commandant à la cour d'un noble seigneur et celui-ci le tenait en grande estime.
Mais lors d'une bataille, les coups de l'ennemi le défigurèrent et l'estropièrent et mon grand-père eu grande souffrance à ne plus pouvoir se battre mais pire, son physique faisait désormais peur à voir. Il s'isola longtemps des hommes et mis à profit sa solitude dans l'étude des lettres et devint, après quelques années d'acharnement, le plus grand poète de ce royaume et personne ne fit plus mine de dégoût ou de peur à sa vue qui le connaissait hormis les gens de passage.
»
— « Que dois-je comprendre, Maître Harast ? »
— « Tu es encore bien jeune mais il te faut t'instruire et te trouver une position respectable, si tu veux une chance de te faire une place parmi les homme car ce sera pour toi bien plus ardu que ce le fut pour mon grand-père. Je puis au moins te transmettre ce que je sais. »
— « Cela fera-t-il de moi quelqu'un de meilleur ? »
— « Assurément ! Car il y a déjà du bon en toi plus qu'en tous les orques du monde réunis. »
— « Qu'advint-il de ton aïeul, Maître ? »
— « Lorsqu'il fut las de cette vie, il quitta tout et partit sur les chemins, réunissant quelques amis fidèles et ensemble, ils allèrent déclamer de villages en villages et après lui son fils et le fils de son fils ensuite et ce serait la fierté d'un père que Barast choisisse à son tour cette voie. »

Et voici que j'apparais sur la scène. Je n'ai point besoin de grimage, mais juste d'un costume et d'une fausse épée, car je figure les orques et je me rue sur la petite Nihana alors qu'elle ramasse un fagot posé là pour cette scène.
Je me veux me saisir d'elle mais elle vient à moi, faisant mine de me parler en secret.

Dans le rôle des orques, voici Gorpatch.

Narrateur — Ainsi Mim le nain trahit-il son Ami. La nuit tomba et ce fut alors que les orques attaquèrent.

...et ce fut alors que les orques attaquèrent...


Nous les entendîmes avant de les voir : le cri d'orque que je poussai sur scène fut couvert par les cris des autres orques. Le mien n'était pas à la hauteur de toute la hargne contenu dans celui de si nombreux orques en charge.
La nuit s'illumina de traits enflammés qui strièrent le ciel.
Beaucoup tombèrent sous cette pluie de feu et certains coururent tels des torches vivantes avant de succomber. Ainsi Athaden périt-il. Brothen, son père se précipita sur lui en hurlant de douleur, et le jetant à terre, il ôta sa cape et l'en couvrit pour éteindre l'incendie qui rongeait son fils.

« Je ne comprends pas, Krumtz : pourquoi avoir tué Hirktaff ? Il était des nôtres ! »
« Il te menaçait, petite ! Et lui ne se serait posé aucune question avant de te tuer ! »
« Mais ce n'est pas certain et il était encore très jeune ! »
« C'est la raison qui m'a permis d'avoir le dessus, vieillard que je suis ! Je te protège maintenant, ainsi, tu pourras en faire de même pour moi lorsque tu auras atteint ta pleine force, si tu y parviens ! »
Et Krumtz éclatait de son rire édenté et rocailleux pour reprendre ensuite sérieusement :
« Il s'en est fallu de peu que ce soit lui ! Prends bien garde à toi ! Ce dont tu parles porte le nom de pitié et c'est une chose dangereuse que nous autres, orques, rejettons depuis toujours ! Alors crois-moi c'est mieux ainsi : il vaut mieux ne pas laisser la vermine prendre le dessus et ôter le fruit avant qu'il ne mûrisse ! »

Très vite, les orques furent sur nous : la surprise était totale et nul parmi ces humbles paysans n'était préparé à riposter. Certains essayèrent pourtant et se munirent de fourches, fléaux, haches de bûcherons, couteaux a viande. Nombre d' hommes et de femmes se battaient pendant que d'autres cherchaient à protéger les enfants, les cachant ou comble du désespoir, faisant rempart de leur corps.

Je me précipitai sur la petite Nihana, qui pleurait à mes côtés, et comme bien d'autres, entreprit de la cacher dans un recoin de notre roulotte quand le cri déchirant de voix familières me fit me retourner : c'était ceux de Mahana la belle et de Harast le poète qui ensemble se précipitaient sur un orc dont l'épée était rouge du sang de sa victime et de l'éclat des flammes qui nous cernaient maintenant de toute part.
A ses pieds gisait un corps de petite taille : celui d'un enfant, celui de leur fils Barast.

— « Tu n'es pas concentrée sur ton ouvrage, ce matin, Gorpatch ! Pourquoi donc cet air si sombre ? »
— « Les souvenirs qui m'assaillent me pèsent et rendent mon bras aussi lourd que l'est mon cœur, Maître Maglam ! »
— « Alors réjouis-toi d'être né orque car si celui-ci est doté d'une vie durable, du moins n'est-il pas immortel et l'elfe qui voit tomber nombre des siens, s'il ne tombe au combat lui-même, doit perdurer, et ceci quelque soit le poids de sa mémoire. »
— « Mais alors, Maître, sans vous offenser, vous dont la vie fût si longue, avez-vous peut-être une pesante mémoire ? »
— « Il n'y a point d'offense, élève, mais il est vrai que je répugne à l'évoquer à voix haute et peut-être un jour te conterais-je des passages douloureux de mon existence, mais pour l'heure, œuvrons ! Car il est sagesse que de mettre sa force dans la création plutôt que la laisser s'étioler dans la rumination. »
— « J'essaye, Maître, mais mon cœur n'en est pas moins lourd ! »
— « Alors prends le temps de te souvenir, conte le moi, si tu le souhaite et quand tu auras purger ton cœur, il reviendra de lui même à l'ouvrage ! »
Et je lui contai la triste histoire qui me hantait :


Mahana, folle de douleur, fut la première à se jeter sur l'orc, mais qu'espérait-elle lui faire ainsi sans armes ? L'orc avait déjà lever son épée et l'abattit une nouvelle fois. Harast avait ramassé la fourche d'un paysan tombé là et se rua sur l'orc. L'infâme créature et Mahana la belle s'écroulèrent ensemble.
Harast, hébété par la souffrance, regarda les siens qui gisaient à ses pieds, puis cherchant des yeux sa petite fille la vit dans mes bras.
Mais que crut-il, aveuglé dans la confusion de cette sanglante nuit de hurlements, de haine et de massacre ?

J'étais encore vêtue de mon costume de scène et si peu de choses me différenciaient de nos assaillants !
Moi-même, paralysée de douleur, j'étais devenu la spectatrice d'un bien horrible spectacle comme il ne m'avait jamais été donné d'en voir, car à celui-ci se mêlait mon amour pour ceux que j'avais vu tomber. Je vis fondre sur moi celui qui m'avait tendu la main et maintenant, il la levait contre moi, me confondant avec l'ennemi dans l'ivresse de sa souffrance.

La petite étant toujours dans mes bras, j'eus peur qu'elle ne fut touchée par le coup que me destinait son propre père et je la déposai à mes pieds, me préparant à parer l'attaque.
Autour de nous, les orques couraient en tout sens, achevant ceux qui étaient tombés ou poursuivant de leur hargne les survivants qui se débandaient. L'un d'eux passa derrière Harast qui n'était plus qu'à quelques pas, la fourche brandie. Je vis son regard fou se transformer : un air d'incompréhension qui ne dura qu'un bref instant fit place à une grande tristesse. Ses bras s'abaissèrent, laissant la fourche tomber à mes pieds.
Il s'affaissa doucement vers moi et je pus lire dans ses yeux qu'il me reconnaissait, qu'il me demandait pardon de sa triste méprise. Mais il n'y avait rien à lui pardonner...

Et le voir s'écrouler ainsi, une épée d'orque plantée dans le dos déclencha en moi une haine sourde qui se fit plus vive encore quand je vis, derrière lui, l'orc qui l'avait mortellement frappé ricaner de son exploit.

Je me ruai alors, abandonnant ainsi la protection de la petite Nihana qui pleurait à mes pieds et, arrachant du corps de mon ami l'arme qui l'avait abattu, je fondis sur son meurtrier et lui tranchai la tête.
Mais me retournant je vis que mal m'en avait pris car déjà, un autre orc était sur la petite et, le capuchon de son déguisement étant tombé, il la tenait par les cheveux, s'apprêtant à l'égorger. L'épée que je tenais fendit l'air et l'autre s'écroula mais un autre déjà était sur nous. Il ne comprit pas que je n'étais pas un des leurs et, voyant Nihana qui hurlait toujours, il entreprit de continuer la besogne et cette fois, j'étais sans armes !
Me précipitant sur lui à mains nues je le fis rouler plus loin. L'autre ne perdit pas de temps à se poser des questions et son arme s'abattit sur moi. Je la déviai du bras et ressentis aussitôt une violente douleur.
Il releva son arme une seconde fois mais la providence voulyu qu'un homme parmi les derniers résistants abattit sa hache sur les pieds de l'orc lui en sectionnant un. Celui-ci s'écroula dans un cri de goret égorgé.
D'un bond je fus sur lui et lui assenai un coup mortel de sa propre épée qu'il avait laissé choir.
Mais quelle ne fut pas ma peine quand, en revenant auprès de Nihana, je découvris son petit corps sans vie.

Je hurlai, et cette fois ce cri surpassa tous les autres ! Je fondis sur les orques à proximité en frappant de tout côté de la lame que j'avais gardée. Et l'ennemi tombait sous mes coups, d'autant plus que, me prenant pour un des leurs, ils ne se méfiaient point de moi. Et je frappai encore et encore jusqu'au moment où je vis Brothen l'ancien, étendu mort sur le corps calciné de son fils.
Alors mes forces m'abandonnèrent. Mon bras retomba le long de mon corps et ma main lâcha l'épée d'où le sang noir des orques se mêlait maintenant au rouge de mes amis.

Ce ne fut que bien plus tard que j'appris que Maglam avait été, dans un très lointain passé, époux aimant et père comblé et qu'il portait en son cœur la mort de ces être chers, ainsi que nombre de ses amis, qui tombèrent lors d'une sombre page de l'Histoire, où les elfes périrent par les elfes dans un royaume autrefois béni et protégé par la magie de sa merveilleuse Reine.
Ainsi, lui aussi, avait connu la douleur de voir les êtres aimés tomber sous la main de son propre peuple. Et le regard de Maglam avait cette profondeur qu'ont les elfes qui traversent les siècles.
— « Maître je ne pense pas pouvoir atteindre un jour votre sagesse. »
— « Alors essaye ! »

Je regardai alentour et ma vue se brouillait !
La tête me tournait à la vue d'un champ de morts. J'avais aussi pardu beaucoup de sang de par la blessure que j'avais aux bras.
Dans ma rage, je l'avais oublié mais la douleur se fit fortement ressentir une fois cette rage retombée.

Ainsi, mes amis bien aimés étaient-ils tous morts ! Ainsi étaient tombés les villageois et Diligath n'était plus que sang et cendres. Les orques hurlaient leur victoire en brandissant leur épée. Et la fumée faisait de tout cela le plus sinistre des spectacles !
A présent était venu le temps de piller ce que le feu avait épargné et la horde d'orques s'éparpilla sans me prêter la moindre attention. Alors je traversai la place, titubante et hagarde, enjambant tant bien que mal les corps qui gisaient.
J'atteignis ainsi la porte du village, qui pendait sur ses gonds, et je continuai droit devant, sans me soucier du lieu où me conduiraient mes pas...

Extrait de La Biographie de Gorpatch.
Texte : Gorpatch.
Toute reproduction totale ou partielle est interdite sans l'autorisation de l'auteur.

Orcs © John Howe