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J.R.R. Tolkien, le créateur de la Terre du Milieu

Tolkien et Oxford (2/4)

par Ancalimë (A.C.)
mise à jour : 04.08.2008

Plan de l'article

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3 - Le professeur Tolkien à Oxford

A - L’enseignement de l’anglo-saxon et de l’anglais aux colleges de Pembroke et de Merton

« Dès que la voiture entra dans Oxford il décida qu’il y serait heureux. Après l’aspect sinistre et sordide de Birmingham, Oxford était une ville qu’il pouvait aimer. A vrai dire, aux yeux d’un examinateur non prévenu, son collège, Exeter, n’était pas le plus avenant de l’université. […] Mais, à quelques pas seulement, s’étendait le jardin des élèves où de grands bouleaux argentés s’élevaient au dessus des toits tandis que les marronniers tendaient leurs branches au-delà des murs, jusque dans Brasenose Lane et Radcliffe Square. Et, pour Ronald Tolkien, c’était son collège, sa maison, le premier vrai foyer qu’il ait connu depuis la mort de sa mère. Au pied de l’escalier, il y avait son nom, peint sur une plaque de bois, et en haut des marches irrégulières bordées d’une rampe noir et massive, il y avait son appartement, une chambre et un salon très simple mais élégant qui donnaient sur une rue étroite, Turl Street. C’était la perfection. »

Humphrey Carpenter, J.R.R. Tolkien, une biographie, Il est allé à l’intérieur du langage.


La Tour de Merton College

L’université a toujours eu une place très importante dans la vie de Tolkien et le travail ne lui a jamais fait peur. Il était bien trop passionné par les sujets qu’il enseignait pour les traiter à la légère et il leur consacrait une grande partie de son temps et de son énergie.

Il obtient une chaire d’anglo-saxon au college de Pembroke en 1925 puis devient professeur de littérature et de langue anglaise au college de Merton. Bien qu’il enseigne dans ces deux colleges, il donne plus fréquemment des cours à la Maison des Examens, vaste bâtiment proche de Merton College. Les professeurs, en effet, à l’inverse des enseignants, ne sont pas rattachés à un college particulier mais à l’université toute entière, si bien qu’ils donnent des cours dans plusieurs endroits différents. Tolkien accueille par ailleurs régulièrement des élèves chez lui pour des cours à domicile.

« Il dit son cours sans hésiter en suivant ses notes et en improvisant sur quelques points. Il prend le texte ligne à ligne, discute le sens de certains mots, certaines expressions, les problèmes que cela pose. Les étudiants le connaissent bien et suivent assidûment ses cours, pas seulement pour la clarté qu’il jette sur des textes obscurs, mais parce qu’ils l’aiment bien : ses plaisanteries leur plaisent, ils ont l’habitude de son débit de mitrailleuse et ils le trouvent avant tout humain, plus en tout cas que certains de ses collègues qui font leur cours avec un parfait mépris pour leur public.

Humphrey Carpenter, J.R.R. Tolkien, une biographie, La vie à Oxford.


La Bodleain Library

C’était un bon, voire un très bon professeur, comme en témoignent de nombreux écrits. Tolkien, malgré sa difficulté de diction et la complexité des sujets qu’il abordait, donnait véritablement vie à ses cours et réussissait souvent à transmettre sa passion. Il a toujours utilisé un style imagé dans ses explications, qui avait beaucoup de charme.

« Il pouvait transformer une salle de classe en salle de château où il était le barde et nous les hôtes, assis à festoyer et à l’écouter. » (J.I.M. Stewart)

« Je ne crois pas vous avoir jamais dit l’expérience inoubliable que ce fut pour moi, alors étudiant, de vous entendre réciter Beowulf.  Votre voix était celle de Gandalf. » (W.H. Auden)

Tolkien, en plus d’être philologue était écrivain et poète. Il connaissait la valeur et le sens profond de chaque mot, et c’est cela qu’il tentait de transmettre à ses élèves. « Il pouvait non seulement montrer à un élève ce que les mots signifiaient mais pourquoi l’auteur avait choisi cette forme particulière d’expression et comment elle trouvait sa place dans son imagerie particulière. » (H.Carpenter, J.R.R. Tolkien, une biographie) C’est ce qui valut à Lewis de parler de « sa vision unique du langage de la poésie comme de la poésie du langage ». Il prenait par ailleurs un tel soin lorsqu’il traitait ses sujets que ses cours étaient d’une grande qualité, mais aussi forts complexes.

B - La vie à Oxford


76 Sandfield Road

Lorsqu’il devient professeur à Oxford, Tolkien s’installe avec sa famille au 22 Northmoor Road, dans la banlieue nord d’Oxford puis déménage en 1930 pour le 20 Northmoor Road, la maison de son voisin, plus grande et plus confortable. De 1947 à 1953 il habite différentes maisons, avant de s’installer définitivement au 76 Sandfield Road à Headington, au centre d’Oxford.

Tolkien mène une vie ordinaire de professeur d’Oxford. Il prépare ses cours avant chaque trimestre, les revoit la veille et les donne le lendemain à ses élèves. Il s’entend plus ou moins bien avec ses collègues, certains sont plutôt hostiles, comme ceux qui font partie du camp des  littéraires qui s’opposent naturellement aux linguistes dont fait partie Tolkien, alors que d’autres, comme CS Lewis, se prennent rapidement d’un vif intérêt pour lui. Il assiste aux réunions de professeurs, certaines terriblement ennuyeuses, et réussit parfois à réformer quelques points du programme d’enseignement de ses matières. Il fonde aussi un nouveau club, le Kolbitar (« ceux qui en hiver se tiennent si près du feu qu’ils mordent le charbon » en islandais). Les Coalbiters se réunissent plusieurs fois par trimestre autour d’une saga islandaise qu’ils lisent dans l’original puis traduisent immédiatement avec plus ou moins de facilité. Après quelques pages ils s’arrêtent, prennent un verre et discutent de la saga et d’autres choses jusqu’à tard dans la nuit.


20 Northmoor Road

D’après Humphrey Carpenter la chambre de Ronald, au 20 Northmoor Road est située à l’arrière de la maison et donne à l’est, sur le jardin. Edith et lui ont un rythme de vie totalement différent, ils ne se couchent notamment pas à la même heure et ne dorment donc pas ensemble. Le matin, les jours saints, Ronald, Michael et Christopher descendent à vélo Northmoor Road vers Linton Road, Banbury Road puis Woodstock Street pour assister à la messe à 7h30 à St Aloysius. De retour, Tolkien prend son petit-déjeuner en parcourant très superficiellement le journal, comme Lewis il pense que l’actualité est sans importance et que les seules vérités se trouvent dans la littérature. Il passe une bonne partie de la journée dans son bureau, près du poêle, à préparer ses cours et à travailler avec les étudiants qui viennent le voir. Puis il part à l’université, le plus souvent à la Maison des Examens, pour donner ses cours du jour, et en profiter pour voir Lewis et discuter avec ses collègues. En repartant il fait quelques courses pour Edith puis quitte souvent de nouveau la maison pour se rendre à une réunion, administrative ou littéraire. Lorsqu’il part pour rejoindre les Coalbiters il rentre tard le soir, bien après que Edith soit couchée. Il ranime le feu dans le poêle, s’installe à son bureau, prend une plume et un vieux manuscrit et consacre ces heures de la nuit aux histoires qui fleurissent sans cesse dans son imagination… Alors que la maison est toute entière endormie et que rien ne vient troubler le silence hormis le grattement de la plume, il écrit et rature, rectifiant sans cesse le petit conte qui fait rire ses enfants, sa grande fresque mythologique si chère à son cœur ou l’histoire des Anneaux de pouvoir…

Plaque au 76 Sandfield Road à Headington